Tu m'as manqué, tu sais ?(Felipe)

Réceptacle d'Athéna

La place Santa Margherita ! Un lieu idéal pour tous ceux qui aimait passer de bonne soirée entre amis. Et justement, c’était la raison pour laquelle Alyssia s’y trouvait. Ce soir, la jeune fille avait prévu d’aller de bar en bar avec des amis auxquels elle avait donné rendez-vous.
Enfin… amis c’était vite dit compte tenu de la mauvaise fréquentation d’Alyssia. D’ailleurs, cela avait surpris la jeune fille qu’Athéna ne se soit pas manifestée pour lui inculquer ses sempiternelles leçons de morales qui n’avaient d’autres résultats que de faire bailler d’ennui son réceptacle.
Mais étrangement, ce soir, la déesse n’avait pas jugé bon de la rabrouer. Avait-elle enfin compris qu’Alyssia n’avait rien à faire de ce que lui disait la divinité en elle ? Sans doute pas mais ne sait-on jamais. Quoi qu’il en soit, Alyssia devait rejoindre sa petite bande dans un des bars de la place. A savoir le plus fréquenté mais également le plus malfamé.
Par conséquent, il était d’autant plus étrange qu’Athéna ne cherche pas à l’en dissuader. Mais ce n’était certainement pas Alyssia qui allait s’en plaindre, au contraire. Si la déesse lui permettait une petite sortie, bien qu’elle fût dangereuse, elle n’allait pas la contredire.
Comme souvent à cette heure-ci, il y avait un monde fou sur la place. Les bars se peuplaient doucement. La vie nocturne commençait lentement à imposer sa loi. De petits groupes de personnes de son âge riaient alors que des couples se promenaient.
Alors qu’Alyssia tentait de repérer le bar désigné comme lieu de rendez-vous, la jeune fille distingua une silhouette familière parmi la foule. Rêvait-elle ou était-ce vraiment lui ? Pour en être certaine, elle s’approcha sans être vue en gardant une certaine distance entre la silhouette et elle. Et quelle ne fut pas sa joie de constater qu’elle ne s’était pas trompée.
Sans plus la moindre hésitation, Alyssia se précipita et sauta sur la personne en question, la faisant tomber au sol sous la violence du choc.

- Feliiiiipe !

Le jeune homme se retrouvait sous le poids plume qu’était Alyssia. Ne voulant pas lui permettre de se relever, elle le bloqua en s’asseyant confortablement sur le ventre de son ami et appuyant ses mains sur son torse.
Un sourire rayonnant s’afficha sur les lèvres de la jeune étudiante en constatant qu’il n’avait pas changé depuis le jour où il l’avait protégé de ce violeur. Il était toujours aussi craquant. Ce qui n’était pas pour déplaire à la jeune fille.
Brusquement, Alyssia gifla son protecteur. Oh bien sûr, pas méchamment. Une simple petite tape ne faisant aucunement mal mais suffisamment senti pour savoir qu’un reproche avait été la cause de ce geste.

- Vilain ! Pourquoi tu ne réponds pas à mes messages ! Je me faisais un sang d’encre ! C’est pas gentil de m’inquiéter comme ça !

Une moue boudeuse sur le visage, Alyssia croisa les bras, tentant vainement de prendre un air sérieux qui fut vite détruit par un petit fou rire. Sa joie de le revoir était trop vivace pour qu’elle parvienne à faire le coup de la fille blasée.

Invité

Venise, Santa Margherita. Autant vous dire que je n’ai pas trop l’habitude de traîner par là-bas, sauf dans de rares cas ou j’accepte de me mêler à la foule d’étudiants fils et filles à papa pour retrouver quelques potes de longues dates. Des mecs sympas qui eux, ont continué l’école et choisi les études. Pour ce que ça va leur servir…
J’aime bien ces mecs là. Ils bossent mais c’est pas l’genre à avoir pris le melon. Ils ont su rester simples et ça fait plaisir de les retrouver. Ce pourquoi je suis là aujourd’hui précisément, une bière à la main, assis en terrasse du « Palacio », lunettes de soleil sur le nez et position décontractée.

Je sirote tranquillement une bière en attendant, n’oubliant pas de jeter quelques coups d’œil mérités à bon nombre de postérieurs attrayants. C’est fou le nombre de filles à papa qui traînent dans ces rues. Et des plutôt jolies, y a pas à dire. Des pétasses manucurés jusqu’aux doigts de pieds, qui dépensent l’argent de papa-maman en sacs chanel et en ensemble Dior. Quand j’y pense… j’ai même pas de sac, moi. On fait très bien sans. Ah, les riches !

-Hey, salut ducon !

Ahah.

-Je reconnais la voix mélodieuse et énigmatique de ce brave Antonio ! Comment tu vas ma poule ?!

Une claque sur l’épaule, des rires moqueurs qui s’entendent à l’autre bout de la place… et les insultes en guise de bonjour, c’est pour moi. J’aime bien mes potes. Le genre de mecs tranquilles, quoi, avec lesquels on se prend pas la tête. Le genre prêt à souffrir n’importe quelle insulte en sachant pertinemment que c’est pour rire. Les gosses de riches, et les riches aussi d’ailleurs, ils ont un sens de l’humour limité. C’est con, un pas de travers et ils te collent les flics au derrière.

Savants, délicats, raffinés…on rigole bien en draguant deux trois nanas qui passent par là. Ca fait aussi parti du jeu. Les verres balancés à la figure aussi, évidemment. Et avec glaçons, s’il vous plait ! De chics types, vraiment ! Même si jme sens un peu paumé quand ils commencent à me sortir leurs cours. Ca va, ils sont pas trop chiants encore avec ça. Ca les fait bien marrer. Et moi aussi. Ils seraient étonnés de voir que je ne suis pas totalement idiot, sans doute. Eh oui, vous pensiez peut-être le contraire, mais je sais lire ! C’est déjà bien. Ah, et je sais compter, aussi. Ahah. Et je suis forcément doué pour d’autres choses, sinon je n’aurais pas été embauché par la Résistance ! Embauché… façon de parler. Ca me fait penser que je vais sûrement devoir déconner un peu moins, d’ailleurs. Boh, on peut bien concilier les deux, non ? Je verrai. Sinon il me faudra espacer davantage mes rendez-vous avec ces tarés de la science. Tant pis. Il y a parfois des choses plus importantes à faire. En l’espace d’un mois seulement j’ai déjà vu l’ampleur que pouvait prendre l’appartenance à un tel organisme, secret qui plus est. C’est de l’énergie et du temps ! Heureusement, j’ai les deux. Enfin, pas pour tout le monde, visiblement…

-Felipe !!! Vilain ! Pourquoi tu ne réponds pas à mes messages ! Je me faisais un sang d’encre ! C’est pas gentil de m’inquiéter comme ça !

Voyons… cette voix de crécelle, ces petits bras fins et pourtant assez forts pour me plaquer au sol, un poids plume ayant parvenu à me déstabiliser… Pas glorieux pour moi, tout ça. Les mecs sont partis depuis 2 minutes, et je comptais rentrer au bercail, mais visiblement, c’est râpé. Alyssia Calvini ! Tiens donc ! Une demoiselle en détresse depuis longtemps sauvée. La pauvre, je l’avais presque oubliée ! Ses messages ? Ah oui, ben faudra que jlui dise comment j’ai paumé portable. Histoire qu’elle aille se plaindre directement aux molosses de la Résistance. Bref. C’est pas le moment de me compromettre, non.

-Erf… excuse-moi mignonne, mais je pense pas que ça valait la peine de nous foutre par terre au beau milieu de la place, hein.

Je me relève habilement en époussetant mes habits -ben quoi, parce qu’on a vécu dans la rue, on a pas le droit de prendre un peu soin de ses fringues ?!- et tend une main secourable à l’adorable brunette qui me regarde avec ses yeux de chien battu. Bon. Maintenant qu’on y est, je suppose que j’ai bien quelques minutes à lui accorder.

-J’ai été… très occupé, désolé. Mais je vais me faire pardonner ! Je t‘invite à boire un verre ? Demande-je finalement avec ce sourire de séducteur contre lequel les midinettes ne peuvent rien…

Réceptacle d'Athéna

Alyssia leva les yeux au ciel. Ce n’était pas la première fois qu’il l’affublait du petit nom mignonne. Elle ne se trouvait pas spécifiquement mignonne et prenait ce compliment comme une taquinerie purement affective. C’est pourquoi elle lui donna une petite claque qui n’avait rien de douloureux.

- Arrête de dire n’importe quoi, dit-elle d’un ton rieur. Je suis pas mignonne.

Elle se mit alors à rire. Si cela valait la peine de les faire tomber en plein milieu de la place ? Oh que oui ! Embêter Felipe valait toutes les peines et les obstacles du monde. Même tous les détours et tous les malheurs…

*Alyssia…*
*Oui, c’est bon, j’arrête, Théna…*
*Je déteste quand tu m’appelles comme ça…*
*Ouais mais Athéna c’est trop long. Je préfère Théna*

La déesse se renfrogna, abandonnant la partie d’avance. Elle savait pertinemment qu’il était inutile d’insister. Alyssia n’aurait pas démordu. La jeune fille était une vraie tête de mule. Pour le déplaisir d’Athéna mais aussi pour le plus grand bonheur d’Alyssia. Cette dernière adorait taquiner la déesse et la pousser à bout. Et en même temps, elle ressentait un réel respect pour elle né à cause de la considération que lui accordait la divinité. Athéna voulait la protéger et cela la touchait énormément. Et la seule façon pour Alyssia de montrer son affection pour quelqu’un était justement de le taquiner.
Et ni Athéna ni Felipe n’échappait à la règle. Plus exaspérante que jamais, Alyssia s’allongea sur lui, lui enserrant le cou de ses petits bras frêle.

- Je te lâche plus ! T’es mon prisonnier maintenant, na !

Des menaces bien vaines et sans grande conviction. Déjà Felipe se dégageait pour se lever, époussetant son pantalon. Accroupie et les bras croisés, Alyssia afficha une mine faussement boudeuse. Pas juste ! Elle aurait aimé encore le garder prisonnier ! Tant pis. Ça sera pour une autre fois.
Felipe lui tendit une main, associé à un sourire des plus charmeurs. Ah non ! Il va pas recommencer ! A chaque fois, il lui faisait le coup pour la faire céder ! Rageant ! Mais ô combien amusant et grisant !

*En même temps, un homme n’a pas grand-chose à faire pour que tu cèdes.*
* C’est pas vrai !*
*J’ai raison et tu le sais. Sinon tu n’aurais jamais réagi ainsi.*
* Rabat-joie…*
*Je prends ça pour un compliment.*

Ah ! Saleté de déesse ! Elle était trop perspicace… *Je t’entends, tu sais.* Alyssia l’ignora. Cela valait mieux sinon elle allait entrer dans un combat où la gagnante serait celle qui aurait le dernier mot. Elle prit la main que Felipe lui tendait. Plongeant ses yeux dans les siens, elle réalisa qu’il était beaucoup plus grand qu’elle. En même temps, ça n’était pas difficile de la dépasser. Alyssia n’était pas grande du tout. Et pas bien épaisse non plus. Mais c’était justement face aux gens de la carrure de Felipe qu’elle se sentait en sécurité. C’était une des raisons pourquoi elle aimait sa compagnie.

- Je veux un Bloody Mary dans le bar le plus chic qui soit, exigea-t-elle d’un ton cassant.

Bien entendu, elle plaisantait. Sauf pour le Bloody Mary. Alyssia n’était pas difficile à satisfaire. Rien qu’être avec son ami lui suffisait.