Le Diable, contrairement à ce que l'on peut penser, ce n'est pas l'homme, c'est la femme elle-même. Mais l'homme est pire que le Diable, je le sais. Pire que moi et bien que cette idée ne me plaise pas, je dois m'y faire.

Je suis née le 11 juin 1983 à Naples. Ma mère me mit au monde le soir paraît-il et dans des souffrances atroces. Évidemment, il faut que je sois assimilée au mal et à la douleur dès ma naissance. J'ai grandi auprès de cette femme méprisable qui ne m'a jamais aimée et qui n'a cessé de me répéter qu'elle ne m'avait pas désirée. Soit. Ainsi donc l'amour, je ne l'ai pas connu par celle qui m'a donnée la vie. De mon père je ne su jamais rien à part qu'il était beau, indéniablement beau... et le genre de type que l'on ne fréquente pas quand on a un minimum de bon sens, ce que de toute évidence ma génitrice ne possédait pas.

Mon père était, selon la légende, un de ces mafieux qui pourrissent l'Italie jusqu'au plus insignifiant des villages. Et là où je vivais, à Naples, la mafia pourrissait la ville plus sûrement que la gangrène. Grandissant dans un milieu pauvre et pas vraiment joyeux comme vous pouvez vous en douter, j'ai tout de même réussi à mener mes études jusqu'à leur terme et cela avec un certain brio. Détentrice d'un master en histoire de l'art et spécialisée dans l'iconographie, j'avoue ne pas être peu fière de moi. Cependant ce genre d'étude a peu de débouchés et en attendant de trouver un musée ou quelque chose d'approchant pour m'employer, je dû travailler.

J'ai un temps travaillé comme secrétaire, mais je suis rapidement partie. C'est fou comme les patrons se croient tout permis. Caissière, serveuse, rien de très reluisant je l'avoue. Je quittais bientôt Naples pour Venise, bien décidée à tout laisser derrière moi, passé, génitrice et père absent dont je ne sais pas grand chose. Arrivée à destination, je fis alors quelque chose dont je ne me serais jamais pensée capable. Je devins danseuse à l'Orchideus, club de strip-tease très classe et très sélect. Et à partir de ce moment, tout pris un sens pour moi. Oui, les hommes ne regardaient que moi, rêvaient de pouvoir effleurer ma peau juste l'espace d'une seconde. Et je me refusais perpétuellement à eux. Ce petit jeu m'amusa beaucoup les premiers temps. Enfin je pouvais torturer le désir de ces hommes, parfois puissants, et les laisser frustrés après la danse.

Il m'en fallu cependant plus, très rapidement. Parfois je choisissais un client, puissant, riche, et en faisait un habitué, un privilégié et parfois même un amant. Avant de le rejeter aussi sec. Quelle jubilation de voir leurs visages se décomposer en voyant qu'ils n'étaient plus pour moi que des amants jetables ! Et à chaque fois je devenais plus sombre. Jusqu'à ce soir... Je m'étais endormie après avoir dansé toute la soirée dans la chambre que j'occupais au dessus du club. Je me réveillais le lendemain matin, le coeur au bord des lèvres. Quelle était cette étrange sensation ? Je me sentais... comme complète. Comme si la chose qui m'avait manqué jusqu'à maintenant m'avait été rendue. Une voix s'éleva alors dans ma tête...

Depuis ce jour, je vis avec une déesse en moi, Aphrodite. Et d'autres vénitiens sont dans mon cas, possédés par des entités dont ils ne connaissaient même pas l'existence. J'ai eu beaucoup de chance contrairement à certains : je m'entends parfaitement avec la déesse. Tout aussi désireuse de dominer et de faire souffrir les hommes que moi, nous nous sommes trouvées être de parfaites complices. Je profite de ses talents pour être encore plus désirable et non plus inspirer que le désir mais également la souffrance d'un seul battement de cil. Et elle se sert de moi pour atteindre son but.

Voilà une association que je qualifierais de parfaite. Moi qui ai toujours vécu seule, me voilà accompagnée en permanence. Et je ne trouve pas ça désagréable, bien au contraire...