We own the night... [PV Alyssia]

Humaine

Jaya attrapa les verres que lui tendait le barman et recula pour se faufiler hors de la foule des clients impatients.
Les deux mains prises, elle mourrait d'envie de replacer la mèche qui lui tombait sur les yeux et que la chaleur étouffante de la boîte de nuit semblait définitivement avoir collé à cet endroit.

Elle détestait les boîtes de nuit, et elle se maudissait intérieurement d'avoir accepté de suivre Monica.
Monica d'ailleurs... Où était-elle ? Certainement dans les bras du premier venu ou en train de se trémousser sur les podiums. Comme si leur boulot ne suffisait pas...
Les deux jeunes femmes avaient fini plus tôt, pas beaucoup de clients à l'Orchideus ce soir là. Les tensions entre les communautés continuaient de monter et le club, jusqu'ici épargné, commençait à en subir les conséquences. Le patron avait décidé de donner leur fin de soirée à toutes les filles et de fermer.

Pour en revenir à Monica, Jaya ne comprenait pas quel plaisir on pouvait avoir, lorsqu'on passait sa soirée de travail à danser, souvent dans le plus simple appareil, à se précipiter dans un autre genre de club pour continuer à faire la même chose devant le même genre de types en manque...
Lorsqu'elle lui avait présenté cet argument, son amie l'avait traitée de psycho-rigide skyzophrène, et Jaya avait finalement accepté, plus par défi de la contredire que par grande conviction, et elle se retrouvait maintenant à presque deux heures du matin à trimballer des verres pour une amie qu'elle ne retrouverait pas avant la fermeture de toute façon.

Jaya continuait d'avancer, entre les corps lascifs et les effluves de parfum. Certaines agréables, d'autres rappelant la transpiration ou le vomi et qui lui arrachaient une grimace de dégoût. Elle avait l'impression, comme à l'Orchideus, que toute la beauté et toute la décadence du monde s'étaient donné rendez-vous au même endroit.

Enfin un peu plus de place, un point de vue où la jeune femme pourrait essayer de retrouver son amie.
C'était sans compter sur son manque de chance habituel...
Elle sentit les mains de l'homme sur sa taille avant d'entendre sa voix.

"Alors ma jolie on est perdue ? Ou on cherche de la compagnie pour ce soir ?"

Jaya se retourna brusquement. La musique battait violemment contre ses tempes. Une trentaine d'années, brun, l'air sûr de lui et insupportable. Elle regretta d'avoir gardé le bustier lacé qu'elle portait à l'Orchideus. Ignorer le type, se dégager.
Mais cela ne suffisait apparemment pas...

"Allez quoi, ne fais pas la farouche, on ne peux pas l'être quand on s'habille comme ça..."

Cela prit moins d'une seconde à Jaya pour lui balancer un des verres dans la figure. Le bris du verre sur le sol fit s'écarter les autres danseurs et elle en profita pour s'esquiver vers une autre partie de la boîte de nuit.
Elle était en train de jeter un coup d'oeil en arrière pour vérifier que l'homme ne la suivait pas lorsqu'elle s'écrasa contre quelqu'un. Le contenu du second verre se répandit à moitié sur le sol, à moitié sur la tenue de sa victime.

-Ooooh, je suis vraiment, vraiment désolée.

Réceptacle d'Athéna

La Chimère ! La boîte de nuit la plus branchée qu’Alyssia puisse connaître ! La jeune fille adorait s’y rendre, même si ça n’était pas du tout au goût d’Athéna. Non pas que la déesse déteste danser. Au contraire, elle aimait ce genre d’activité. Ne lui arrivait-elle pas de prendre le contrôle de son corps pendant ses cours de tango ?
En revanche, ce que la divinité n’appréciait pas, c’était la caractère sauvage des boîtes de nuit. Le fait qu’il n’y avait aucune discipline dans la danse, si vraiment il s’agissait d’une danse. Sans compter le fait qu’on pouvait rencontrer de drôle de gens absolument pas fréquentable.
Bien évidemment, Alyssia n’en avait cure. Comme souvent, elle n’en faisait qu’à sa tête et n’écoutait que d’une oreille les recommandations de la déesse. Ce qui n’était pas pour plaire à cette dernière.
Ce n’était qu’avec des bons arguments que la jeune étudiante de lettres avait convaincu Athéna de ne pas prendre le contrôle de son corps et l’empêcher d’aller s’amuser. La déesse avait céder au caprice de sa protéger en échange de la promesse d’être prudente. Et comme vous le savez, Alyssia a une notion très… limité de la prudence quand il s’agit de s’amuser et profiter pleinement d’une soirée. Et Athéna le savait parfaitement. Alyssia n’ignorait pas que la déesse ne se gênerait pas pour intervenir si elle venait à avoir des ennuis. Il était donc évidement à ses yeux qu’elle ne risquait rien. Surtout qu’elle ne comptait pas faire de bêtises. Ou du moins éviter d’en faire.
Alyssia dansait comme une folle, se trémoussant au rythme de la musique endiablé. En elle, elle sentait l’agacement d’Athéna qui surveillait toute personne s’approchant de trop près. Alyssia en aurait roulé des yeux d’indignation face à la paranoïa de la déesse. Mais trop occupé à se déhancher, elle n’y fait pas attention. Parfois, elle prenait la main d’un garçon pour qu’il danse avec elle alors qu’ils ne se connaissaient ni d’Adam ni d’Eve. De quoi accentuer l’énervement d’Athéna qu’elle sentait fulminer en elle sans pour autant intervenir. Sauf pour le dernier qu’elle avait invité contre son gré. Athéna avait pris les commandes et fait trébucher le cavalier qu’Alyssia avait choisi.

*Hey !* avait pesté celle-ci. *T’avait promis ! Il allait rien me faire !*
*Tu ne peux pas en être certaine*
*Parano…*

Athéna ne répondit rien alors que le cavalier de fortune se relevait et s’éloignait avec énervement. De quoi faire bouder Alyssia à l’encontre de la déesse. Mais cela ne l’empêcha de reprendre sa danse. Alors qu’elle se retournait, elle buta violemment quelqu’un. Un liquide vint se verser sur son débardeur noir. Elle poussa un léger cri de surprise mais se ressaisit vite. Il s’agissait d’une jeune femme, sans doute pas beaucoup plus âgée qu’elle, tenant un verre pratiquement vide à la main.

- Ce n’est rien, répondit Alyssia avec un sourire. Ça arrive à tout le monde. Et puis, j’étais pas attentive. Donc c’est la moi fautive.

Alyssia fixa un moment le verre, observant le peu qu’il restait du contenu. Puis elle releva les yeux vers la jeune femme.

- Si tu veux, je peux te payer un verre. Pour me faire pardonner.

Comme toujours, la spontanéité d’Alyssia la faisait tutoyer une personne qu’elle appréciait, même lorsqu’elle ne la connaissait que depuis une ou deux secondes. Sans même attendre la réponse de « l’accidentée », le réceptacle d’Athéna s’empara de son poignet et l’amena jusqu’au bar où elle s’appuya au comptoir, commandant deux mojito.

- Au fait, je m’appelle Alyssia. Et toi ?

(désolée encore pour le temps d'attente ^^")

Humaine

Jaya, abasourdie, laissait son regard aller de son verre vide à la jeune femme qu'elle avait heurtée. Elle voulait répéter qu'elle était désolée, qu'elle aurait du faire plus attention mais elle n'en eut pas le temps.
Avant même qu'elle puisse se ressaisir, elle sentit son poignet se faire enserrer par la main, douce mais ferme, de l'autre jeune femme, et elle était entrainée vers le bar.
Ce n'est que lorsque la petite brune lui tendit un cocktail que Jaya retrouva la parole.

-Merci... Tu n'étais pas obligée... C'était de ma faute. Enfin de celle de ce pauvre type, acheva-t-elle en jetant un regard vers le second comptoir, à l'autre bout de la boîte, là où elle l'avait aperçu pour la dernière fois.

Elle planta ses yeux dans ceux de sa sauveuse inespérée et se rendit soudain compte que cette dernière semblait attendre une réponse. Jaya remonta le fil de la conversation, plutôt brève, donc ce ne fut pas très difficile, et se présenta enfin:

-Jaya, je suis Jaya, dit-elle en tendant la main. Elle savait pertinemment que ce reflexe la rendait souvent vieux jeu et presque ridicule mais on ne rigolait pas avec la politesse chez les Raichand et les vieux réflexes sont les plus durs à perdre parait-il.

-Merci... de t'être trouvée au bon endroit, au bon moment !
Sans lâcher son interlocutrice des yeux, elle trempa ses lèvres dans le verre et émit un petit bruit de satisfaction.

-Hmmmm, c'est peut-être la seule raison pour laquelle j'accepte de revenir ici.
Puis elle plongea sa main dans une des poches de son jean et en tira une liasse de billets. Coinçant son verre entre ses dents, elle tendit 50 euros à la jeune femme.

-Tiens, ça devrait pouvoir te payer un bon pressing, histoire que tu n'aies pas complètement perdu ta soirée.

Jaya cherchait déjà Monica du regard. L'irritation du début de la virée se transformait en un agacement incontrôlable. Si elle la retrouvait, elle allait passer un mauvais quart d'heure.

-Ecoute, je te suis vraiment reconnaissante mais il va falloir que j'y aille. Tu m'as tirée d'un mauvais pas, et je suis vraiment désolée pour tes vêtements. Je vais essayer de retrouver mon amie, OK ? J'ai été ravie de te rencontrer... finit-elle dans un sourire presque gêné.

Fuir, toujours fuir... Mais c'était tellement plus facile que d'affronter la réalité et la cage dorée.

Réceptacle d'Athéna

-Merci... Tu n'étais pas obligée... C'était de ma faute. Enfin de celle de ce pauvre type

Alyssia eut un sourire en poussant le cocktail qu’elle avait commandé vers sa nouvelle rencontre. La jeune fille tourna la tête dans la direction que lui indiquait l’inconnue. Mettant une main en visière, elle chercha un type suspect qui aurait causé du tord à sa compagne d’un soir. Elle n’en vit aucun près du comptoir situé de l’autre côté de la pièce. Du moins… personne qui semblait suspect selon les critères de la danseuse de tango. En revanche, Athéna en repéra quelques uns mais s’abstint de tout commentaire.

- Je vois pas de pauvre type, fit-elle en regardant toujours en direction du comptoir.

Evidemment, elle se doutait bien qu’il devait avoir quitté son poste depuis un moment. Il ne s’agissait là que de l’humour plus que douteux de la jeune fille. Et aussi une façon pour elle de faire comprendre à son invitée d’oublier ce mec, de faire comme s’il n’existait pas vu qu’il n’en valait pas la peine.
Sa nouvelle amie se présenta alors sous le nom de Jaya. Enfin, amie… ça ne faisait que quelques minutes qu’elles s’étaient rencontrées. Et pourtant Alyssia la voyait déjà comme tel. Elle avait toujours été ainsi, à se familiariser avec les autres avec facilité. Elle pouvait vite considérer quelqu’un comme un ami. Exactement comme en cet instant.
Un sourire étira les lèvres d’Alyssia quand Jaya la remercia pour avoir été présente au bon moment.

- Ravie d’avoir pu faire quelque chose pour toi, répondit la jeune fille.

En revanche, elle haussa un sourcil quand elle vit le billet posé non loi d’elle. Pourquoi elle lui donnait de l’argent ? Levant les yeux vers Jaya, elle l’interrogea en silence sur ces intentions. Pressing ? Mais qu’est-ce qu’elle lui chantait là ? Il suffisait de mettre son haut à dans la machine à laver et il était propre. Inutile d’aller au pressing. Et pourquoi elle s’en faisait pour ça ? C’était stupide.
Et elle fut d’autant plus surprise qu’elle lui fausse compagnie. Avait-elle fait quelque chose qu’il fallait pas ? L’avait-elle mise mal à l’aise ? Effarée et l’incompréhension convenaient sûrement mieux que la surprise pour décrire le sentiment d’Alyssia en cet instant.

- Propose-lui de tenir compagnie à elle et son amie, fit Athéna.
- Quoi ! Mais t’es folle ! Je vais pas m’imposer alors qu’elle a l’air pas à l’aise du tout ! rétorqua Alyssia en pensée.
- Essaie ! Toi qui d’habitude fonce dans le tas, tu peux bien tenter ta chance pour te faire une amie qui à l’air plutôt respectable.
- Mouais…

Alyssia attrapa alors le poignet de Jaya avec douceur et sans aucune brusquerie.

- Je peux me joindre à vous ? demanda-t-elle. Je suis seule ce soir, ça me ferait plaisir de passer ma soirée avec vous deux. Enfin… si ça dérange pas, bien sûr.

Alyssia ne mentait pas. Elle était effectivement seule et se ferait une joie d’être en bonne compagnie avec Jaya et son amie. Faire de nouvelles rencontres n’était pas un mal. Au contraire, même.