Strip-Tease [PV Dimitrio]

Humaine

2h30.
L'heure où la nuit commence à être bien entamée pour certains, à peine débutée pour les plus persévérants, ou encore se terminant pour d'autres.
Et pour Jaya, sa nuit de travail se terminait, effectivement.

Longeant les murs sombres et enveloppants du couloir interminable, la jeune femme regagnait sa loge après son dernier show. Quelques sourires échangés en les croisant avec les danseuses qu'elle appréciait, un air d'indifférence affirmé pour les autres. Elle venait de se trémousser pendant 20 longues minutes sur l'un des derniers airs orientaux choisis par son patron. Il était content d'avoir une fille typée, ça permettait au client "de voyager" comme il disait.
Jaya ne pouvait s'empêcher de penser que pourtant, si elle venait à ouvrir la bouche, ces mêmes clients seraient amèrement déçus.
Rien d'oriental dans la façon de s'exprimer de la jeune femme. Elle parlait un italien parfait, sans la moindre trace d'accent et tout en elle respirait l'européenne.
Elle ne laissait ses racines indiennes l'envahir qu'en présence de ses parents, où elle se mettait à nouveau à parler hindi... Et lorsqu'elle était en colère. Sa voix la trahissait alors et les mots ne sonnaient plus aussi naturellement dans sa bouche.

Jaya ouvrit la porte de sa loge, enfin. "Loge" n'était cependant peut-être pas le bon mot pour décrire ces sortes de cages à lapins dans lesquelles les danseuses se maquillaient et s'habillaient. L'Orchideus était synonyme de luxe, de classe et de volupté à Venise, et les salles de spectacle étaient magnifiques et luxueuses à souhait. Les danseuses les plus convoitées avaient même droit à des loges privées... Mais Jaya devait se contenter de ce qu'elle "valait" pour le moment, c'est à dire une pièce mal insonorisée, dans laquelle la chaleur était étouffante et qui ne fermait pas à clé.

Elle déposa l'un de ses voiles sur le comptoir et se laissa glisser sur le fauteuil qui était libre. Toutes les autres filles étaient soit sur scène, soit avec des clients pour des danses privées. Moment de tranquilité et d'intimité, elle adorait se retrouver seule dans cette pièce.
Elle défit le chignon qui entravait sa longue chevelure épaisse qui retomba souplement sur ses épaules et se détourna un instant du miroir qui lui faisait face, à la recherche de ses produits cosmétiques.
Lorsqu'elle se redressa, l'ombre qui lui répondait dans la glace la fit sursauter, avant qu'elle ne se retourne dans un mouvement de colère.

-Qui êtes-vous ? Qu'est-ce que vous fichez ici ? Sortez ou j'appelle la sécurité !

Elle attrapa le voile posé devant elle- maigre bouclier- et fit face à l'inconnu.

Réceptacle de Cronos

Dimitrio terminait tranquillement sa nuit, un plateau à la main. L’orchideus était le club de striptease le plus en vogue de moment à Venise. Titan, Dieu et humains en tout genre se côtoyaient dans le luxe et la classe à l’état pur. Ici, le client était roi et tout le personnel se devait d’être irréprochable sous peine de finir à la rue sans plus d’avertissement. Engagé comme Barmaid remplaçant, il arrivait à Dimitrio de faire quelques nuits par mois quand l’occasion se présentait. Ce qui lui plaisait assez somme toute, c’était de croiser aux hasards des tables les époux et amants des femmes qu’il avait eu lui-même pour cliente. Une sorte de jeu du sort qu’il trouvait assez amusant. Et puis il y avait les danseuses surtout. Non pas qu’il s’amusait à leur courir après, mais elles étaient pour certaines un peu plus que simples stripteaseuses. Mais ce genre d’informations ne se disait pas à voix haute !

Ce soir là, il était missionné pour ravitailler les jeunes femmes après leurs prestations mais aussi de trouver les clients pouvant être potentiellement exploitable. Jouant en coulisse et en salle, il était habillé d’un smoking sobre et se passait des tenus des autres employés. Se confondant parfaitement parmi les habitués, il était les oreilles et les yeux de ses collègues afin de choisir les tables à drainer. L’ambiance c’était un peu détendu après le passage d’une danseuse indienne, Dimitrio prépara la collation qu’il devrait porter à la jeune femme. De ce qu’il avait pu voir, son charme ne laissait personne indifférent et la salle s’était enflammée au rythme de son déhanchement. Elle semblait plus jeune que lui et à peu de choses près elle devait être là uniquement pour se faire de l’argent. C’était le cas des trois quarts des filles de la boite.

Une pensée pour son père spirituel le fit sourire. Le frère aurait eu deux ou trois recommandations à dire les concernant. Dimitrio se serait empressé de rétorquer quelque chose qui l’aurait laissé sans voix et une fois de plus le vieil homme aurait capitulé face à la décadence de la jeunesse et aux libertés nouvelles et obscènes qu’on lui laissait. C’est donc tout frais de cette pensée, qu’il parcourait les coulisses de l’Orchideus à la recherche de sa danseuse. N’oubliant pas un petit mot pour toutes les filles qu’il connaissait, il répondait aux roucoulements par des sourires de circonstances. Elles étaient courageuses et fortes, il les admirait pour ça.

Trouvant enfin la bonne loge, il poussa la porte sans toquer, plus par habitude que par manque de courtoisie. Bien mal lui en prit car il se fit aussitôt incendier par la jeune femme. Levant une main en signe d’apaisement, il lui présenta le plateau, un sourire doux aux lèvres.

- Ne vous méprenez pas je m’appelle Dimitrio et je suis barmaid intérimaire. Je suis de sécurité parfois aussi… La danse pourquoi pas mais l’Orchideus n’a pas voulu signer mon contrat de gigolo… Alors pour l’instant je vous apporte simplement de quoi vous restaurer !

S’inclinant légèrement en signe de respect, il déposa le plateau bien garnis sur le peu de place libre qu’il restait.

- Tu es une danseuse surprenante. Je n’avais pas vue les clients aussi enthousiasmés depuis longtemps ! Comment t’appelles-tu ?

Il était passé du vouvoiement au tutoiement de manière presque compulsive. C’était un trait de son éducation qui ressortait régulièrement. La communauté des frères Capucin n’avait pas pour habitude de mettre les gens sur des niveaux différents. Tous égaux dans la même merde… Ca c’était le point de vue de Dimitrio… Fortement contesté par ses pères évidemment !